FNAEG: le gouvernement reste sourd à l'appel de la cour de cassation

FNAEG: le gouvernement reste sourd à l’appel de la cour de cassation

L’arrêt rendu le 19 juin 2012 par la chambre criminelle de la Cour de cassation avait clairement invité le gouvernement à régulariser l’illégalité du FNAEG dans son dispositif actuel.

Nos QPC (questions prioritaires de constitutionnalité) avaient été transmises par le tribunal correctionnel de Senlis dans la procédure suivie du chef de refus de se soumettre à un prélèvement biologique contre Xavier RENOU.

La chambre criminelle n’a pas renvoyé les QPC au conseil constitutionnel par une motivation particulièrement intéressante qui simplifie in fine l’argumentation juridique des personnes qui se voient reprocher leur refus de prélèvement d’ADN pour le FNAEG.

La Cour de cassation a rappelé que les dispositions de l’article 706-54, alinéa 5, du code de procédure pénale ont été déclarées conformes à la Constitution dans une décision du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2010, avant de préciser:

« Attendu, d’une part, que les avancées de la science génétique, alléguées par le requérant, ne sauraient s’analyser en un changement des circonstances au sens de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dès lors que, selon les dispositions de l’article 706-54, alinéa 5, du code de procédure pénale, les empreintes génétiques conservées dans le fichier concerné ne peuvent être réalisées qu’à partir de segments d’ADN non codants, à l’exception du segment correspondant au marqueur du sexe, et qu’il appartient au pouvoir réglementaire de définir le nombre et la nature des segments sur lesquels portent les analyses d’identification par empreintes génétiques, cette liste pouvant, le cas échéant, être modifiée en raison de l’évolution des connaissances scientifiques ; »

Il en résulte que, selon la Cour de cassation, les avancées de la science génétique (qui démontrent que les segments prélevés permettent de connaître l’origine géographique et certaines pathologies des personnes prélevées v. notre article Pourquoi refuser le prélèvement d’ADN pour le FNAEG?) ne changent rien à la constitutionnalité de l’article 706-54 du code de procédure pénale lui-même.

En effet, cet article prévoit précisément, en conformité avec la Constitution, que les segments d’ADN retenus pour le FNAEG doivent être « non codants » et en conséquence, ne permettent aucunement de connaître les caractéristiques des personnes prélevées.

Le diable doit donc être cherché dans les détails du dispositif du FNAEG, cad les dispositions réglementaires.

Le noeud réside dans l’illégalité de l’article A38 du code de procédure pénale (pris par simple arrêté ministériel) qui fixe le nombre et la nature des segments objets du prélèvement pour le FNAEG, de telle façon qu’ils sont « codants ».

La Cour de cassation renvoie donc très logiquement la résolution du problème posé par le FNAEG aux ministres de la Justice et de l’intérieur qui sont compétents pour prendre un arrêté modifiant cet article A38 du CPP: « il appartient au pouvoir réglementaire de définir le nombre et la nature des segments sur lesquels portent les analyses d’identification par empreintes génétiques, cette liste pouvant, le cas échéant, être modifiée en raison de l’évolution des connaissances scientifiques ».

Deux ans après, l’on attend toujours la modification des segments prélevés pour le FNAEG!

Il faut dire que la sécurité est un sujet politique sensible et que les segments choisis sont ceux que l’on retrouve au niveau international dans les fichiers génétiques étrangers (USA, RU,…) ce qui facilite les croisements des données collectées et… rend dans le même temps d’autant plus effrayant l’ampleur des risques de dérive …

Il faut rappeler que le FNAEG est désormais un fichier de masse: il comptait, en 2012, 2 188 971 profils génétiques, soit près 3,34 % de la population française.

75 % des personnes sont fichées en tant que « mis en cause » (et donc présumées innocentes ; leurs empreintes sont conservées pendant vingt-cinq ans)
18 % en tant que personnes « condamnées » (leurs empreintes seront conservées quarante ans),
7 % restants correspondant à des « traces inconnues » prélevées sur les scènes d’infraction.

En conclusion, le refus de prélèvement d’ADN pour le FNAEG s’impose tant que le gouvernement n’aura pas pris les mesures qui s’imposent pour régulariser l’illégalité (et l’inconstitutionnalité) du dispositif actuel, à savoir:
- modifier le nombre et la nature des segments d’ADN prélevés afin de garantir leur caractère « non codants » et donc empêcher toutes dérives dans l’utilisation des données collectées;
- réduire le nombre de personnes fichées et susceptibles de l’être et réduire l’utilisation du FNAEG aux infractions les plus graves (crimes notamment sexuels).

« A bon entendeur, salut »…

Autre article:

Pourquoi faut-il refuser le prélèvement d’ADN pour le FNAEG?